Interview de Tony Neulat

Lorsqu’on s’intéresse à la généalogie, on « croise » forcément les publications de Tony Neulat ! Je remercie vivement ce généalogiste pour avoir accepté de participer à cette rubrique » interviews de généalogistes » !

A quand remonte votre passion pour la généalogie ?

J’ai l’habitude de dire que je suis tombé dans la marmite généalogique quand j’étais petit… et que c’est pour cette raison que les effets de la passion sont permanents chez moi !

Blague à part, j’ai dessiné mes premiers arbres généalogiques à 12 ans en lisant l’Iliade et l’Odyssée. En m’attachant à reconstituer les filiations des héros grecs, je me suis pris au jeu de l’enquête et je me suis retrouvé emporté par le cours du temps. Sautant d’époque en époque, depuis les lignées mythologiques jusqu’à la noblesse d’Ancien Régime en passant par les dynasties de l’Antiquité et les familles patriciennes romaines…

Jusqu’à ce que je réalise un an plus tard, par hasard, lors d’une visite dans une mairie de village, en ouvrant l’armoire bourrée de registres centenaires, en sentant l’odeur caractéristique du vieux papier, qu’une autre enquête plus personnelle, qu’un autre voyage dans le temps, dans les traces de mes prédécesseurs, étaient à portée de main. Un voyage sans terminus.

Quel est votre cursus, avez-vous suivi une formation particulière pour exercer ce métier ou bien êtes-vous autodidacte ?

Quand j’ai débuté, il n’existait pas de formation et d’école de généalogie comme aujourd’hui. J’ai donc appris sur le tas, en autodidacte, en me procurant un guide de généalogie, en le décortiquant, en me jetant dans le grand bain des registres et de la paléographie et en lisant régulièrement des magazines de généalogie, tant pour ouvrir mon horizon de recherches que pour me tenir informé de l’actualité. Comme j’usais encore mes fonds de culotte sur les bancs de l’école, j’étais assoiffé de connaissance et c’est allé très vite.

Côté cursus, rien à voir avec la généalogie. Comme je n’ai jamais imaginé pouvoir vivre de cette passion, j’ai suivi des études d’ingénieur et je suis diplômé de l’école des Mines de Paris.

Quel type de généalogiste êtes-vous ? Généalogiste familial ? Successoral ? Travaillez-vous en indépendant, ou faites-vous partie d’un cabinet, d’une étude ?

Je suis avant tout un généalogiste passionné ! Je ne suis pas généalogiste successoral même si je mène beaucoup de recherches généalogiques contemporaines pour retrouver des cousins, retracer la vie de mes ancêtres proches et raconter leur histoire.

Donc plutôt généalogiste familial même si ce n’est pas le cœur de mon activité. Car j’ai toujours préféré « apprendre à pêcher que donner du poisson ». C’est pour cette raison que j’aime partager mon expérience via toutes sortes de canaux : articles dans divers magazines (La Revue française de généalogie, Votre Généalogie, RetroNews, Historia…), guides de généalogie (Archives & Culture), webinaires, formations (European Academy of Genealogy), tutorat et coaching personnalisé, conférences, émissions télé ou radio, page Facebook…

Néanmoins, je suis toujours ravi de prendre le relais dans le cas de recherches généalogiques épineuses. Je pense notamment aux cas délicats des enfants adoptés, des enquêtes génétiques ou des ascendances pieds-noirs et étrangères.

Quelle est votre « spécialité », votre domaine de compétences privilégié ?

Résoudre des énigmes ! En tout cas, c’est ce que je préfère 😊.

A part ça, j’ai la chance d’avoir une ascendance très variée : des ancêtres dans une vingtaine de départements et dans 4 pays différents, des familles citadines, rurales et maritimes, des enfants trouvés, des militaires, des fonctionnaires, des branches de pauvres paysans, de bourgeois, d’hommes de lois et de nobles seigneurs, des catholiques et des protestants… Même si cela complexifie terriblement les recherches, je considère que c’est une chance car cela m’a confronté à toutes sortes de registres et de langues (français, latin, espagnol, italien, anglais, occitan, catalan…) et à développer un spectre très large de connaissances.

Cela étant dit, sur quels sujets je me distingue particulièrement ? Je dirais : la généalogie génétique, les généalogies pieds-noirs, les recherches à Malte et en Espagne, les recherches généalogiques contemporaines, les recherches dans la presse ancienne, la traque de photos de famille. Sujets auxquels j’ai d’ailleurs consacré des ouvrages ou des supports de formation.

Avez-vous un conseil, une astuce à partager avec les lecteurs de ce blog ?

Un point de vigilance : gare au « syndrome d’Icare » ! C’est ainsi que j’ai baptisé cette envie grisante du généalogiste de remonter toujours plus haut.

Certes, parcourir les siècles et étirer les branches de son arbre le plus haut possible confère un plaisir évident. Mais attention à ne pas passer à côté d’autres aspects tout aussi précieux, mais hélas fugaces, qui confèrent à chaque famille son caractère unique et vivant : anecdotes, photographies anciennes, correspondances, secrets de famille, reliques… Car si les fonds d’Ancien Régime seront encore là dans dix, vingt ou trente ans et prêts à dévoiler leurs secrets, peut-on en dire de même des anciens de notre famille et de nos cousins éloignés ?

Si vous êtes jeune, cuisinez dès maintenant vos aînés ! Si vous êtes moins jeune, couchez vos souvenirs sur le papier, classez vos documents, annotez les photos anciennes.

Ces bribes du passé seront un beau présent pour les générations futures.